MINURSO : OMP Sahara Occidental

La « Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental » (MINURSO) a été créée par la résolution 690 du Conseil de sécurité en date du 29 avril 1991, suite à l’acceptation des propositions de règlement le 30 août 1988 par le Maroc et le Front POLISARIO, un mouvement politique et armé du Sahara occidental, créé en 1973 pour lutter contre l’occupation espagnole.

Le Maroc, qui contrôle aujourd’hui la majeure partie du Sahara occidental, ex-colonie espagnole, considère ce vaste désert de 266 000 kilomètres carrés, soit environ l’équivalent du Royaume-Uni, comme une région de son royaume. Tandis que le Front Polisario revendique l’indépendance du territoire et demande un référendum sur l’autodétermination des peuples.
Le conflit a débuté en 1975 avec la décolonisation espagnole, peu avant la mort du général Franco. Le pays n’a pas répondu par la force à la décolonisation car il n’était pas en position de résister et cela lui a permis de garder une main mise sur Mérilla et Irséma, deux villes du nord du Sahara. Le 6 novembre 1975, le roi marocain Hassan II a organisé une marche pacifique appelée la «Marche verte» malgré la condamnation de l’ONU. Environ 350 000 personnes sont partis avec le roi du Maroc et sont entrées sur le territoire qu’elles considéraient comme les «Provinces du sud». La marche comportait donc une forte valeur symbolique et était un moyen pour le roi d’asseoir son pouvoir autoritaire.

Le 14 novembre, les accords de Madrid officialisaient le partage : le Maroc obtient les deux tiers de la zone, la Mauritanie, le tiers restant. L’Algérie, le parrain des indépendantistes, et le Front Polisario ne furent pas consultés. Le front Polisario est un groupe indépendantistes créé en 1973 d’après le nom des deux régions emblématiques du Sahara : Saguiet-et-Hamra et Rio de Oro. Il fut crée car entre fin 1975 et 1976, plusieurs dizaines de milliers de Sahraouis ont fuient la guerre et se sont réfugié à Tindouf, en Algérie, dans des camps administrés depuis quelques années par des cadres du Polisario. La rupture du dialogue entre les deux parties s’est cristallisée lorsqu’en février 1976 le Front Polisario a fondé la République Arabe sahraouie démocratique (RASD) qui n’a pas été reconnue par l’ONU mais l’a été par l’Union Africaine, entraînant le départ du Maroc de cette même entité. En 1979, la Mauritanie a décidé de se retirer des affrontements et le Maroc a annexé son territoire donc le conflit entre Rabat et les Sahraouis s’est enlisé.
Dans les années 1980, le Maroc a construit un gigantesque mur de sable séparant le territoire du Nord au Sud qui a façonné le découpage actuel du désert sur plus de 2500 km2. Le Maroc contrôle actuellement 80% du territoire avec plus de 100 000 soldats déployés sur des bases, mines et bunkers, contre 20% pour les Sahraouis. La construction du mur de défense, appelé « mur de la honte » par les Sarahouis, s’est terminé en 1987 et c’est pourquoi l’ONU a lancé, en 1991, la MINURSO afin de fournir les bases de négociations pour instaurer la paix dans la région. Un cessez-le-feu a été acté mais le référendum initialement prévu en 1992 n’a finalement jamais lieu. Selon l’UNHCR, l’Agence mondiale des Nations Unies pour les Réfugiés, entre 90 000 et 165 000 sahraouis réfugiés vivent encore dans les camps sahraouis tel que Aousserd, Rabouni et Smara de la zone de Tindouf, qui devaient initialement être provisoires.

Le conflit gelé n’a jamais été clairement tranché sur le plan du droit international car depuis 1963, le Sahara occidental est inscrit sur la liste des territoires non-autonomes et contesté de l’ONU. Au départ des troupes espagnoles en 1975, le Maroc et la Mauritanie ont revendiqué leur autorité «légitime». Selon un avis rendu par la Cour internationale de Justice de La Haye en 1974, il y avait effectivement un lien entre le Maroc et le Sahara occidental avant sa colonisation par l’Espagne en 1884. Ce n’était pas une «terra nullius», une terre sans administration, et des documents attestaient de l’existence de liens d’allégeance entre le sultan marocain et certaines tribus sahraouies. La juridiction démontrait également qu’il existait des droits de nature foncière de la Mauritanie sur le territoire du Sahara occidental. Cependant, elle nuançait en ajoutant que l’existence de ces liens n’établit en aucun cas une relation de souveraineté territoriale ni du Maroc ni la Mauritanie.
Depuis, le Maroc et le Front Polisario campent sur leur position et aucune solution ne semble être approuvée car le plan de règlement, tel qu’approuvé par le Conseil de sécurité, prévoyait une période transitoire pour la préparation d’un référendum à l’occasion duquel le peuple du Sahara occidental choisirait entre l’indépendance et l’intégration au Maroc mais Rabat refuse toute indépendance et de discuter de sa souveraineté sur ce qu’il considère comme une partie intégrante de son territoire. En outre, l’intérêt des différents Etats ou ethnies, mentionnés ci-dessus, n’est pas uniquement une prétention nationaliste mais également d’intérêts économiques. En effet, la zone convoitée regorge de fer, phosphate, dont le Maroc est le premier producteur mondial, de cuivre, d’or, de titane et d’uranium. De plus, la côte ouest du Sahara est une grande surface maritime et l’une des plus poissonneuse au monde, ce qui inclus une dimension stratégique et économique à ce conflit qui s’enlise. Pourtant, depuis 2002, le Maroc applique à cette zone une politique économique volontariste avec plusieurs milliards d’euros investis en faveur du développement économique et social pour construire des écoles, des voiries, des ports, des aéroports, des hôpitaux et des routes côtières pour améliorer et faciliter les exportations vers la Mauritanie et le Sénégal. Par exemple, dans la ville de Tah, des éoliennes ont été implantés tandis que Dakhla est devenu un haut lieu touristique notamment grâce au kite-surf.

Enfin, une politique active de déplacement de population a été mise en place avec un système de subventions et d’exonérations fiscales envers les fonctionnaires pour les attirer au Sahara. De cette politique migratoire découle un quota de trois marocains pour un sarahoui dans la zone contestée, dans le but d’assoir la domination marocaine et d’intégrer dans les moeurs sa culture.
Le Représentant spécial du Secrétaire général prend la responsabilité unique et exclusive des questions relatives au référendum et est assisté dans sa tâche par un groupe intégré composé de civils, de militaires et de policiers civils de l’ONU. Cet ensemble constitue donc la MINURSO, avec 475 membres du personnel incluant 244 personnels militaires. Les principaux pays contributeurs de cette mission sont le Bangladesh, l’Egypte, la Russie, le Hondura, le Pakistan et la Chine, le tout grâce à un financement approuvé par les Nations Unies : 60453700$ en provenance des Etats-Unies pour la période allant du 07/2019 au 06/2020.
Le 29 avril 2016, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2285, demandant aux parties de continuer à faire preuve de bonne volonté politique afin d’engager des négociations plus résolues et plus axées sur le fond du problème : l’indépendance du territoire contesté.
Par la suite, le Conseil de sécurité de l’ONU a renouvelé pour un an la mission Minurso au Sahara occidental, sur fond de «frustration» du Front Polisario qui déplore l’inaction des Nations unies à insister plus fortement pour établir une solution au conflit qui l’oppose depuis des décennies au Maroc. Une résolution en ce sens, rédigée par les Etats-Unis, a recueilli 13 voix pour et 2 abstentions, celles de la Russie et l’Afrique du Sud.
«Nous regrettons que le Conseil de sécurité revienne au « business as usual», avait souligné avant le vote, lors d’une rencontre avec quelques médias dont l’AFP, le représentant du Front Polisario à l’ONU, Sidi Omar. «Nous déplorons profondément la perte de l’élan créé ces 18 derniers mois», avait-il ajouté. Après une longue interruption, le dialogue sous l’égide de l’ONU entre le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie avait repris lors d’une table ronde en Suisse en décembre 2018, suivie d’une deuxième en mars 2019, sans qu’une percée ne soit enregistrée.
De plus, le dossier ne bénéficie plus d’un émissaire de l’ONU depuis la démission en mai de l’ex-président allemand Horst Kohler. Après le vote, les Etats-Unis ont réclamé la nomination d’un nouvel envoyé spécial «au plus tôt». «Nous exhortons le secrétaire général, Antonio Guterres, à nommer une nouvelle personne», avait aussi dit Sidi Omar, en regrettant que le Maroc ait posé des «pré-conditions» comme le rejet de toute nouvelle personnalité allemande ou issue d’un des cinq pays permanents au Conseil de sécurité, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France.
Suite à ce renouvellement de mandat, le Front Polisario déclarait «Notre peuple a presque perdu toute foi dans ce processus (politique)». Il décidera donc de poursuivre ou non son implication dans la négociation, avait aussi souligné le responsable du Front, évoquant implicitement le risque d’une reprise du conflit. La seule différence étant la prolongation de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental pour un an et non plus six mois. Cela ne signifie pas un retour au «statu quo», ont assuré les Etats-Unis devant le Conseil de sécurité car le Maroc propose au mieux une autonomie élargie, une proposition que rejette le Front Polisario, soutenue pour l’Algérie, à la faveur d’une indépendance totale.

Aujourd’hui, le Front Polisario mise surtout sur les luttes juridiques et médiatiques pour défendre ses droits. Par exemple, la Cour de Justice de l’Union Européenne a invalidé deux accords commerciaux entre le Maroc et l’UE à la demande du Polisario : en 2015 à propos des produits agricoles et en 2016 sur la question de la pêche à la demande d’une ONG car Rabat incluait dans ses ventes des poissons du Sahara occidental dont il ne détient pas une souveraineté reconnue internationalement. Enfin, le soulèvement populaire des jeunes marocains en 2005 en faveur de l’indépendance des « provinces du sud » a permis de mettre en lumière ce conflit, tout comme les prises de position public de l’écrivain Edward Saïd et les dénonciations de violations des droits de l’Homme à propos de cas de torture et d’emprisonnements arbitraires des opposants au régime marocain, de la part de plusieurs ONG.
Du point de vue international, le Sahara occidental reste un enjeu stratégique et un terrain ou s’affrontent l’influence de plusieurs pays, et particulièrement au sein de l’Afrique. L’Algérie, la Mauritanie, le Mali et la Libye ont reconnu la République Sahraoui tandis que le Maroc a tendance a soutenir, avec des investissements, les Etats africains qui ne reconnaissent pas la République Sahraoui. De plus, se pose également le problème de l’extrémisme religieux, développé depuis quelques années dans le Sahara à la faveur de l’AQMI et de Daesh. Cela permet à Rabat d’en profiter pour imposer leur point de vue et dénoncer la propagande islamiste dont sont victimes les jeunes Sahraouis dans les camps de Tindouf, à cause de leurs désoeuvrements et de la précarité. Le Front Polisario dément fortement ces allégations et dénonce le point de vue biaisé du Maroc pour tenter de discréditer les réfugiés.
En conclusion, les acteurs internationaux espèrent que le récent retour du Maroc dans l’Union Africaine datant de 2017 alors qu’il l’avait quitté en 1984 suite à l’entrée de la République Sahraoui dans l’Union grâce à l’Algérie, pourrait laisser entrevoir une réconciliation possible face à ce conflit ensablée depuis de nombreuses années.

Léna PIRARD