L’Académie Internationale de la Paix aux Nations unies : participation au Séminaire intersession sur la contribution du Conseil des Droits de l’Homme sur la prévention des violations des Droits de l’Homme

 

Lors d’une visite aux Nations Unies, ce mercredi 11 avril, l’Académie Internationale de la Paix a assisté à la dernière session du Séminaire intersession sur la contribution du Conseil des Droits de l’Homme sur la prévention des violations des Droits de l’Homme. Celui-ci a été instauré suite à la résolution 38/18 du 6 juillet 2018 de ce même Conseil, ceci dans le cadre du soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Cette séance s’est déroulée dans la salle XVI du Palais des Nations Unies et se divisait en deux panels d’experts : le premier avait pour ambition d’établir des méthodes préventives aux éventuelles violations des Droits de l’Homme et le second traitait de l’assistance technique et de la manière dont le Conseil des Droits de l’Homme pourrait inciter à la coopération des Etats souverains.

Au terme de ces discussions, le rapporteur a dressé un premier rapport non exhaustif des points abordés par les différentes parties prenantes qu’ont été les Etats, institutions internationales et organisations non gouvernementales. Les procédures de plainte doivent être rendues confidentielles afin d’accroître la coopération, le rôle des forums a été mis en avant, les travaux des groupes intergouvernementaux doivent être intégrés aux échanges du Conseil de Sécurité afin d’améliorer la communication entre Genève et New-York. De même, les Examens Périodiques Universels ont un rôle préventif considérable à moyen et long terme mais la lenteur des mécanismes est un obstacle à l’exigence de rapidité des réactions. Il a été mis en avant le rôle crucial de la coopération des nations avec le Conseil des Droits de l’Homme et que la confiance devait se construire en premier lieu à partir des travaux diplomatiques menés à Genève. Enfin, il est impératif d’avoir des mécanismes de suivi à long terme afin d’entériner les mécanismes d’enquêtes sur le long terme, avec, notamment, la mise en place d’un secrétariat permanent.

Dans le premier panel, il s’agissait de s’interroger sur le rôle et les implications des commissions d’enquête mandatées par le Conseil des Droits de l’Homme, chargées d’établir un rapport sur les situations des pays en conflit tout en tentant d’émettre des recommandations pour empêcher de futures violations des droits de l’Homme. M. B. W. Ndiaye, expert international sur la situation au Kasaï et M. Clapham, expert de la Commission sur les droits de l’Homme au Soudan du Sud ont tous deux pris la parole suite aux questions de Mme. la Présidente. En s’appuyant sur leurs expériences sur le terrain, ils ont tenté avec les pays en présence d’apporter une réflexion sur les questions suivantes : en quoi consiste la partie préventive de leur mandat ? Comment réaliser de la prévention dans une crise qui est déjà en cours ? Pourquoi déterminer les causes profondes des conflits est essentiel afin d’adopter des mesures pour empêcher que ceux-ci se reproduisent ? Comment briser le cercle vicieux des impunités et faire que l’Etat coopère aux mécanismes de prévention de tels mandats ?

Ce qui a été intéressant de constater, c’est que certains de ces experts s’interrogeaient pour la première fois sur le concept de prévention en lui-même. Plusieurs pays ont, à l’issu de ces discussions, avancé des pistes de travail pour essayer de résoudre les faiblesses de ce système.

Le défi de ces commissions repose donc sur l’équilibre entre la réalisation d’un rapport sur les actions menées dans le passé et l’établissement de recommandations pour empêcher toute violation future des droits de l’Homme, tout en prenant en compte la crise actuelle. Impossible, selon M. Ndiaye, de fermer les yeux sur la situation en cours et ce, quel que soit le mandat, pour seulement prendre en compte les actions passées. Les commissions d’enquête se heurtent à des problèmes de criminologie, de mouvements massifs de déplacés, de besoins humanitaires urgent et à des témoignages de personnes qui alertent sur des situations de crise, notamment d’esclavage sexuel ou de travail forcé et qui rendent la situation particulièrement instable. Impossible également, de ne pas aller aux causes profondes des conflits, notamment les causes culturelles. Cela va pour la situation en République Démocratique du Congo comme pour celle du Soudan du Sud. Pour l’une, on se trouve en présence d’une guerre mêlant le traditionnel et le moderne, le présent et le futur : les enfant-soldats font parti d’une représentation traditionnelle de la guerre, qui prend aussi racine dans le ressentiment économique du pays avec 98% de chômage chez les jeunes auxquels on promet des bourses pour étudier contre leur enrôlement dans les milices. Pour l’autre, dans le cas plus particulier des violences sexuelles au Soudan du sud, il faut d’abord essayer d’appréhender le statut de la femme dans la société, de comprendre le fonctionnement du droit familial du pays, d’analyser les attitudes masculines et la façon dont les gens sont éduqués afin de donner des recommandations pour que la violence sexuelle ne se reproduise plus.

La prévention a donc plusieurs facettes qui ne sont pas toujours visibles, c’est un travail de fond et pour que celui-ci continue et se perfectionne, il faut : plus de visibilité, plus de  coopération, plus de synergie entre les différents mécanismes de prévention. Le mot clé est dialogue, garder les canaux de communications ouverts, discuter pour établir des relations de confiance. Les obstacles sont nombreux. Comme l’a souligné le représentant de l’Union Européenne, toutes les commissions qui ont été établis par mandat des Nations unies l’ont été parce que les mesures préventives ont été inefficaces. Comment, alors, améliorer les mécanismes du conseil des droits de l’Homme pour renforcer sur le long terme le travail qui a été effectué à court terme ? On assiste à une vraie frustration et un réel problème d’évaporation de tout le travail fourni une fois le mandat arrivé à terme. Comment, enfin, s’assurer que les droits de l’Homme ne sont pas politisés et qu’une approche sélective n’est pas utilisée, laissant ainsi le champ libre à l’impunité ?

Dans une dernière prise de parole, M. Ndiaye a salué le travail des Casques Bleus présents lors de la MONUSCO, sans qui l’accès en RDC aurait été difficile. Il a également précisé que s’ils avaient pu discuter avec les autorités congolaises, c’est que le mandat avait été adopté par consensus, à l’issu de négociations. Il a enfin souligné la nécessité de faire en sorte de travailler avec les institutions sur place, et de mettre en place au plus vite les recommandations. Tous les partis présents dans la salle se sont accordé pour dire que le timing était une question cruciale pour appliquer les recommandations, et envoyer le secrétariat sur le terrain à temps. Alors, qu’est-ce qui empêche le Conseil des droits de l’Homme de rendre son travail plus effectif ? La question est restée en suspens.

 

                           Promotion 2019 de l’Académie Internationale de la Paix (10 avril 2019-Palais des Nations)

 

Dans le second panel, ce sont les questions de l’assistance technique et d’incitation à la coopération qui ont été abordées. Mme Athaliah Lesiba Molokomme, politicienne et magistrate botswanaise a rendu compte du risque de non coopération de certains Etats visés par le Conseil des Droits de l’Homme car ceux-ci pourraient y voir une forme d’altération de leur souveraineté et d’ingérence dans les affaires intérieures du pays. Or, il est du devoir des nations de faire respecter les Droits de l’Homme sur l’ensemble des territoires, sans distinction et conformément à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. C’est au nom de ces principes que le Haut Commissariat des Droits de l’Homme agit à travers ses fonctions de surveillance et de conseiller.

Morten Kjaerum, président du fonds de contributions volontaires des NU pour la coopération technique dans le domaine des droits de l’Homme, directeur de l’Institut Raoul Wallenberg des droits de l’homme et du droit humanitaire en Suède, insiste sur le rôle important du Haut Commissariat qui apporte un soutien financier à plus d’une quarantaine de pays et qui a multiplié ces actions sur le terrain, passant de trente-sept en 2006 à soixante-douze aujourd’hui. Pour lui la coopération technique est la “pierre angulaire” de la coopération et doit passer notamment par l’universalité et l’indivisibilité de tous les droits de l’Homme,ainsi que leur transversalité dans les différents programmes et missions des nations unies, et par les partenariats locaux. L’ancien directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a, en outre, donné des exemples de succès des interventions menées précédemment. Ces dernières ont contribué à la baisse des attaques envers les individus albinos et elles ont également incité la modification du code pénal de dix-sept pays d’Amérique du Sud afin d’inclure les crimes sexistes. Toutefois, il soulève le manque de spécialiste en Droits de l’Homme dans les équipes de spécialistes implantées sur les territoires en situation de crise. Marc Limon, directeur du Groupe sur les Droits Universels (URG), insiste sur la nécessaire prévention des éventuelles violations des Droits de l’Homme, et ceci passe par la mise en place d’espaces sécurisés de dialogue.

Les réactions des parties prenantes sont classifiables en plusieurs catégories. Les premières reviennent sur le besoin d’organes permanents et d’une coordination accrue avec la population autochtone, c’est le cas du représentant du Portugal et de plus de vingt-sept pays. D’autres réactions, plus tempérées, ont à cœur de rappeler la non imposition, la non sélectivité et la non politisation des entreprises du Haut Commissariat, c’est le cas de Cuba et de la Thaïlande, qui enjoint à “éviter la stigmatisation pour renforcer la coopération entre les Etats”. Enfin, le représentant de l’Union européenne a exprimé le souhait d’accroître les capacités du Haut Commissariat afin d’améliorer la prévention des situations allant à l’encontre du respect des Droits de l’Homme.

A l’issu de ce séminaire, l’Académie de la Paix a assisté aux mécanismes de réflexion et de discussions de mises au sein des Nations Unies. Par ailleurs, il est difficile d’obtenir un compromis qui satisfasse l’ensemble des participants. De plus, certains intervenants se sont contentés de lire la déclaration qui leur avait été transmise sans faire avancer le débat. La mise en oeuvre de la résolution 38/18 met en évidence le phénomène de grippage observé dans la prise de décision au sein des Nations Unies. Ceci est dû à la diversité et à la multiplicité des parties prenantes.

Bien que l’AISP/SPIA n’ait pas pris la parole au cours de ce séminaire, comme son statut auprès du conseil Economique et social des Nations unies le lui autorise, elle continuera, par le truchement de l’Académie Internationale de la Paix, à suivre les travaux de cette Commission, voire prochainement, à intervenir dans les débats.

L’Académie Internationale de la Paix à la sortie de la Salle XX du Palais des Nations

Rédaction : Tina Bandeira, Loane Dimet