Interview d’Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, par Chritsophe Boisbouvier et Marc Perelman sur RFI, le 9 février 2020
Le 9 février 2020 a été diffusé sur RFI l’interview du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Cette interview a été l’occasion pour Christophe Boisbouvier, journaliste chez RFI et Marc Perelman, journaliste pour France 24, de revenir sur 4 sujets d’actualité : Le conflit libyen, la situation au Sahel, le Soudan et enfin les élections en Afrique de l’Ouest.
(L’interview est disponible ici)
Libye
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Cessez-le-feu
Concernant la Libye, le Secrétaire général s’est tout de suite présenté comme optimiste quant à la signature rapide d’un cessez-le-feu. Il a ainsi insisté sur les progrès réalisés dans la résolution du conflit et a souligné l’attitude constructive des deux parties principales au conflit, l’Union nationale de Libye, représentée par Fayez al-Sarraj, et le maréchal Khalifa Haftar.
Malgré les efforts de ces parties pour la résolution du conflit, António Guterres maintien que le cadre du conflit reste préoccupant. En effet, bien qu’une réunion exceptionnelle ait eu lieu à Berlin en janvier 2019, les acteurs ayant un rapport plus ou moins direct avec le conflit qui s’étaient entendus pour améliorer la situation en Libye ont trahi leur parole. Ils n’ont depuis pas respecté l’embargo des armes, décidé par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et continuent de fournir du matériel et du personnel sur place.
Le Secrétaire général s’est montré ferme quant à ces agissements : « (…) Il faut que les interventions externes se terminent. Pour que le cessez-le-feu soit une réalité, il faut que l’ingérence extérieure ne continue pas à compromettre la capacité des Libyens à trouver des solutions à leurs problèmes« .
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Négociations en cours
Bien que préoccupé, le Secrétaire général reste confiant du fait des négociations en cours sur trois volets :
- Un premier volet traitant de l’économie a déjà connu une réunion et en voit une deuxième se préparer.
- Un deuxième volet, militaire, est en progrès. Le but de ce volet est de transformer la trêve en cessez-le-feu, pour pouvoir ensuite s’orienter vers une stabilisation complète.
- Enfin, un troisième volet politique est également en avancée. Il se concentre sur l’établissement d’un dialogue politique durable. Dans la réalisation de ce volet, les chambres libyennes ont déjà choisi deux représentants et sont en cours de discussion concernant un représentant de la société civile.
L’Union africaine est décidée à convoquer un forum de réconciliation, avec l’appui de l’ONU, qui réunirait toutes les forces du pays (politiques, ethniques, religieuses, …) pour consolider le processus de paix en Libye. A ce titre, elle aimerait voir les khadafistes présents à ce forum. Le Secrétaire général ne s’oppose pas à cette proposition, et au contraire, l’encourage. Il soutient que le forum inter-libyens doit être inclusif et que tout le monde doit être représenté, sans discrimination et sans privilégier aucun groupe.
Il insiste sur le fait que la société libyenne doit pouvoir venir se rallier, pour qu’un futur Etat libyen soit possible.
Enfin, Guterres ajoute qu’il a été accordé à l’Union africaine qu’elle soit présente dans les réunions de négociation des différents volets, toujours dans cet esprit de discussion.
Sahel
Les journalistes ont ensuite interrogé le Secrétaire général sur le Sahel. Ils ont ainsi mis l’accent sur les attaques jihadistes de plus en plus fréquentes et meurtrières, sur l’échec du G5 Sahel, et sur le retrait des troupes américaines de la zone.
Le Secrétaire général s’est fait plus pessimiste concernant le Sahel. Il a ainsi mis en lumière l’insuffisance du dispositif de sécurité actuellement en place. Malgré la MINUSMA, opération de maintien de la paix dirigée par l’ONU, le G5 Sahel, l’opération française Barkhane et la présence militaire américaine, la lutte contre le terrorisme au Sahel est très difficile et se voit opposer de nombreux échecs.
En cas de retrait d’une des parties la situation se dégradera rapidement. Pour António Guterres, les choses doivent changer et il faut pallier l’insuffisance du dispositif actuel. Il faut, d’après lui, une force d’imposition de la paix, une force contre-terroriste forte avec un mandat défini du Conseil de sécurité et un financement garanti. Une telle proposition a cependant déjà été refusée.
Enfin, le Secrétaire général souligne les risques de la situation. Le Conseil de sécurité et les entités en capacité d’aider les africains n’auraient ainsi jusqu’ici pas pris suffisamment consciences des risques.
Guterres a également soigneusement évité de répondre aux questions concernant Donald Trump et le retrait des troupes américaines. Il a seulement insisté sur la nécessité pour les Etats-Unis de comprendre qu’il y a actuellement besoin d’un mécanisme sécuritaire fort, pour la protection de tous.
Soudan
Boisbouvier et Perelman ont ensuite continué sur le Soudan. Le Premier ministre soudanais, Abdalla Hamdok a en effet récemment demandé au Secrétaire général le déploiement au Soudan d’une force de maintien de la Paix. António Guterres a affirmé que cela n’aurait pas lieu. Il a cependant insisté sur les discussions en cours, notamment à propos d’une nouvelle mission au Soudan qui aurait en fait une nature politique. Cette nouvelle mission aurait pour but de remplacer la mission conjointe au Darfour de l’Union africaine et de l’ONU, et consisterait en la mise en commun d’un engagement plus important des Nations Unies et de leurs équipes pour créer les conditions d’un soutien plus fort au gouvernement de Khartoum.
Pour que la paix s’établisse au Soudan, il faut que le pays soit retiré de la liste américaine des pays soutenant le terrorisme, insiste Guterres, et les sanctions financières appliquées au pays l’empêche de se stabiliser.
Enfin, le Secrétaire général déclare que les Nations Unies doivent apporter un appui structurel, institutionnel, humanitaire et économique sur le terrain. La nouvelle mission est ainsi au centre de ces préoccupations communes.
Afrique de l’Ouest
Pour terminer l’entretien, les journalistes ont interrogé le Secrétaire général quant aux élections à venir au Togo, en Guinée et en Côte d’Ivoire, qui suscitent la controverse. Il leur a simplement répondu qu’il avait espoir qu’il n’y aurait pas de recul de la démocratie en Afrique de l’Ouest, que ces pays pourraient avoir un dialogue politique permettant un consensus démocratique et que les mécanismes institutionnels en place fonctionneraient pleinement pour empêcher ce recul.
– Par Héloïse Fleutot